Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome Et rien de Rome n'aperçois, Ces vieux palais, ces vieux arcz que tu vois, Et ces vieux murs, c'est ce que Rome on nomme. Voy quel orgueil, quelle ruine: et comme Celle qui mist le monde sous ses loix, Pour donter tout, se donta quelquefois, Et devint proye au temps, qui tout consomme. Rome de Rome est le seul monument, Et Rome Rome a vaincu seulement. Le Tybre seul, qui vers la mer s'enfuit, Reste de Rome. O mondaine inconstance! Ce qui est ferme, est par le temps destruit, Et ce qui fuit, au temps fait résistence. Sacrez costaux, et vous sainctes ruines, Qui le seul nom de Rome retenez, Vieux monuments, qui encor soustenez L'honneur poudreux de tant d'âmes divines: Arcz triomphaux, pointes du ciel voisines, Qui de vous voir le ciel mesme estonnez, Las, peu à peu cendre vous devenez, Fable du peuple et publiques rapines! Et bien qu'au temps pour un temps facent guerre Les bastimens, si est-ce que le temps Oeuvres et noms finablement atterre. Tristes desirs, vivez donques contents: Car si le temps finist chose si dure, Il finira la peine que j'endure. Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, Ou comme cestuy là qui conquit la toison, Et puis est retourné, plein d'usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge! Quand revoiray-je, hélas, de mon petit village Fumer la cheminée, et en quelle saison Revoiray-je le clos de ma pauvre maison, Qui m'est une province, et beaucoup d'avantage? Plus me plaist le séjour qu'ont basty mes ayeux, Que des palais Romains le front audacieux, Plus que le marbre dur me plaist l'ardoise fine, Plus mon Loyre Gaulois, que le Tybre Latin, Plus mon petir Lyré, que le mont Palatin: Et plus que l'air marin la douceur Angevine. Si nostre vie est moins qu'une journée En l'éternel, si l'an qui faict le tour Chasse nos jours sans espoir de retour, Si périssable est toute chose née, Que songes-tu, mon ame emprisonnée? Pourquoy te plaist l'obscur de nostre jour, Si pour voler en un plus cler sejour, Tu as au dos l'aele bien empanée? La, est le bien que tout esprit desire, La, le repos où tout le monde aspire, La, est l'amour, la, le plaisir encore. La, ô mon âme au plus hault ciel guidée! Tu y pourras recognoistre l'Idée De la beauté, qu'en ce monde j'adore. |