Une brève biographie de Victor Segalen
Victor Segalen est né à Brest le
14 janvier 1878. Il commence ses études de médecine en 1886 à l'École annexe de
Médecine de Brest puis entre à l'École de Santé Navale de Bordeaux en 1898, il a alors 20 ans. Il fait la connaissance de
Daniel de Monfreid, de Huysmans, de Rémy de Gourmont et de
Saint-Pol Roux avec les quels il entretient
des relations d'amitié.
Il soutient sa thèse de Médecine «L´Observation médicale chez les écrivains naturalistes»et obtient
le grade de Médecin de la Marine en sortie de Santé Navale à Bordeaux en 1902, il embarque l'année suivante pour Tahiti où
il sera affecté sur l'Aviso «Durance» (en arrière plan du timbre).Il voyage aux îles Marquises et fut un des premiers,
avec l'écrivain suédois Bengt Danielsson, à s'intéresser à la vie et à l'oeuvre de Paul
Gauguin qui vient de mourir.
Il fera un séjour à Antuona après la mort du peintre et réussit à réunir plusieurs des ses oeuvres qu'il ramène en France à bord
de l'Aviso «Durance».
De retour en France, après un long périple qui lui fait découvrir une partie de l'Asie, il épouse une brestoise.
Il fait la connaissance de
Debussy et de
Claudel. Il apprend le chinois et acquiert de ce fait le titre d'officier interprète.
En 1909 Il se voit confier une mission de recherche archéologique en Chine. Il y découvre les monuments funéraires des Han,
dynasties qui régnèrent de 206 avant J.C. à 220 après J.C. Il essayera ensuite de faire partager sa passion pour la culture chinoise.
Victime de la maladie il part en Algérie puis retourne en Bretagne où il meurt au
printemps de 1919 lors d'une promenade
solitaire en forêt de
Huelgoat.
Bernard Le Lann
Oeuvres :
Stèles (1912), les Immémoriaux,
Odes, Peintures, René Leys.
Son oeuvre littéraire commencée très tôt est particulièrement innovante, oeuvre à la fois de poète, de scientifique,
d´humaniste, mais aussi oeuvre de grande clairvoyance à une époque encore placée sous la pensée dominante des conquêtes
coloniales et de la supériorité des civilisations occidentales et des religions chrétiennes.
Dans «Les immémoriaux» par le truchement des pérégrinations de Terii, prêtre de l'ancienne religion tahitienne,
il porte un témoignage réinventé, entre la fin du XVIIIème siècle et le milieu du XIXème sur l'arrivée
en Polynésie des premiers navigateurs espagnols, britanniques, hollandais et français et leurs différents cortèges de missionnaires.
Après s´être sérieusement documenté sur l´histoire, la culture et les langues polynésiennes il analyse avec lucidité et un humour
discret et sarcastique les profonds dégâts du colonialisme en Polynésie, et notamment le rôle dévastateur des missionnaires dont
il décortique minutieusement les méthodes.
Il apporte une sorte de témoignage fictif "de l´intérieur" sur ce que fut cette période qui marqua le début de la dégradation
irrémédiable d´une langue, d´une religion et d´une culture polynésienne qui avait été introduite à Tahiti dès le XIIème
siècle. Ce livre passionnant est de mon point de vue un véritable Chef d'Oeuvre, il est à la fois une oeuvre poétique, linguistique,
sociologique, et historique, même si parfois l´auteur prend quelques libertés avec la stricte chronologie des évènements historiques.
Victor Segalen arrive avec son style si particulier à faire vivre de l´intérieur l´antique pensée maorie.
Dans «Peintures» et «Stèles» il crée un style littéraire où il mêle intimement à la poésie
d´autres formes d´art comme la peinture ou la sculpture. On peut dire, en quelque sorte, qu´il invente dans «Peintures»
une sorte d´art abstrait ou virtuel dans la mesure où il donne consistance par le verbe à des oeuvres fictives, inspirées de la
peinture traditionnelle chinoise. Cet ouvrage est un véritable paradoxe, car il décrit minutieusement des peintures à la fois très
réalistes et figuratives mais dont il montre, ou démontre, combien elles sont porteuses de bien plus de spiritualité,
de réflexion (à tous les sens de ce mot),de chatoiement des lumières que bon nombre de peintures européennes qui lui étaient
contemporaines et dont il en fait au passage un critique aimable pleine d´un humour discret.
Bernard Le Lann
Une citation de Charles Le Quintrec
«
Le véritable Empire du Milieu n'est pas en Chine, il est au plus secret de nous-mêmes.
Cette vérité-là mettra plus d'un demi-siècle à nous parvenir.
En effet, quand, en 1919, dans la forêt du Huelgoat, on le trouvera mort au pied d'un arbre, un Shakespeare à la main, personne
en Bretagne, en dehors de
Saint-Pol Roux.,
ne sait qui il est. Les Bretons ne s'intéressent pas à leurs hommes de
grand format »
(Charles Le Quintrec - Poètes de Bretagne - Anthologie - Coll. La petite vermillon - Ed. La Table Ronde).
Victor Segalen et les universités
Le Conseil d´Administration de l´Université de Bordeaux 2 a adopté le nom de Victor Segalen et François Mitterrand a inauguré à Brest en 1994 l'UFR des Lettres et Sciences Sociales, baptisée Victor Segalen, et qui est aujourd'hui la plus importante
composante de l'UBO (Université de Bretagne Occidentale).