Avec la révocation de l'
édit de Nantes en 1685, signé par le roi Louis XIV, des mesures répressives se sont abattues sur les protestants. L'exercice du culte a été interdit, leurs ministres bannis et les temples ont été détruits.
La cité médiévale, dont le temple protestant avait été édifié en 1602 à l'angle de l'actuelle rue Denfert-Rochereau, fut démolie en septembre 1685.
L'année suivante, des protestants de Nîmes sont incarcérés dans la Tour de Constance.
En 1705, les registres font état de trente-trois prisonniers huguenots détenus dans la salle supérieure de la tour. Les prisonnières, quant à elles, étaient recluses dans les premières années au rez-de-chaussée dans la salle des gardes.
Elles occupèrent plus tard la salle des chevaliers ou les deux salles, quand le nombre des prisonnières devait le justifier.
Abraham Mazel, un des chefs protestants, lieutenant de Catinat, fut incarcéré cette année-là. Cependant, il parvenait, six mois plus tard, en descellant un bloc d'une meurtrière, à s'évader avec seize de ses compagnons.
Un tour de force spectaculaire qui allait néanmoins avoir des répercussions. Les prisonniers restant furent transférés aux îles d'Amérique et la Tour de Constance ne reçut désormais que des prisonnières protestantes.
De cette horrible prison, les prisonnières n'en sortent que pour le cimetière.
D'après le manuscrit de Gautier de Terreneuve, trente prisonnières étaient détenues dans la tour en 1746. Une des plus célèbres, Marie Durand, encore adolescente, y fut enfermée des 1730 dans des conditions de détention épouvantables, dans la pauvreté, le froid et la promiscuité.
En1755, Marie Durand rapporte la terrible souffrance de cet hiver : "Nous étions sans aucune provision, excepté un peu de bois vert. Le plus que nous avions, c'était un peu de neige sur notre terrasse, sans aucun secours de personne".
Sans être toutefois une certitude, la tradition attribue à Marie Durand d'avoir gravé sur la margelle au centre de la salle le mot
RESISTER, que l'on peut encore lire de nos jours.
Un acte de foi symbole de la résistance huguenote.
Pendant sa détention, Marie Durand devait écrire près de 50 lettres. Une correspondance adressée au pasteur nîmois Paul Rabut, qui s'occupait des prisonnières. Des suppliques pour demander du secours, des remerciements aux rares donateurs qui venaient en aide aux prisonnières et quelques lettres personnelles adressées à sa nièce.
En 1767, il ne restait plus que 14 prisonnières. Le prince de Beauvau en visite dans la cité, ému par la misère des prisonnières et par compassion, les délivra toutes, malgré l'autorité royale.
Marie Durand fut libérée le 14 mai 1768, après 38 années de réclusion. Elle mourut 8 ans plus tard en Ardèche.
Les deux dernières, Suzanne Pagès et Marie Roux détenues 27 et 23 ans furent libérées le 26 décembre 1768, c'était il y a 240 ans.
Aujourd'hui, la cité médiévale honore la mémoire de Marie Durand et une rue porte son nom.
Source : Midi Libre - Décembre 2008